Daumier, le lithographe






















Peintre reconnu tardivement et sculpteur admiré de Rodin, Honoré Daumier (1808-1879) fut avant tout un dessinateur et un lithographe hors pair. Publiées dans La Caricature ou Le Charivari, ses œuvres croquent avec férocité, ironie ou tendresse les petits et grands travers du siècle de la bourgeoisie triomphante, des révoltes populaires et de la difficile conquête de la liberté de la presse.
Planche n° 6 de la série Les Philantropes du jour
« - Monsieur, je souscris pour le tremblement de terre des Batignolles. voici deux francs. mais insérez bien mon nom et mon adresse dans votre journal : Rigolard philantrope [sic] papetier, rue St-Honoré, 345, tient pendules, plâtres de Dantan, verres de Bohême, riding-stick anglais, allumettes chimiques allemandes et généralement tout ce qui ne concerne pas son état !... »
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Les Mannequins politiques : « Ce jeu n’a duré que trois jours »
Cette planche a été publiée à la suite de l’éphémère ministère Maret, sixième ministère de la monarchie de Juillet, connu sous le nom de « ministère des Trois Jours » pour n’avoir duré que du 10 novembre au 13 novembre 1834, date de sa dissolution. L’épreuve, de grande qualité, porte la signature manuscrite de Daumier ; elle est représentative de l’utilisation combinée du crayon et de la plume lithographique.
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L'épicier de juillet 1830
« L’épicier qui n’était pas bête leur envoyait de la réglisse qui n’était pas sucrée du tout »
Honoré Daumier évoque les combats de rue ayant eu lieu lors des journées révolutionnaires de juillet 1830.
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Masques de 1831
Dans cette galerie de masques, Daumier triture et exagère les traits des politiques de son époque. La tête de poire symbolisant Louis-Philippe est ici entourée des visages grotesques et faux de membres de son gouvernement comme Thiers, Guizot, Etienne ou encore Soult.
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Massacre de la rue Transnonain
Les mouvements populaires se succèdent depuis l’avènement de Louis-Philippe, roi des Français, en août 1830. Le malaise économique et les mesures anti-ouvrières prises par Thiers, ministre de l‘Intérieur, contribuent à les provoquer. L’agitation est également entretenue par des associations républicaines comme la Société des Droits de l’homme.
En février 1834, afin d’affaiblir la propagande républicaine, le gouvernement fait voter une série de lois qui réglementent de manière drastique l’activité des crieurs publics et des vendeurs de journaux ambulants et interdisent les associations politiques. Le 9 avril 1834, la Société des Droits de l’homme organise une manifestation à Lyon. Au même moment se tient le procès de canuts accusés de coalition et de grève. Des coups de feu sont tirés sur la foule des manifestants. S’en suit une semaine de combats meurtriers (plus de 300 morts, près de 600 blessés). Le 13 avril, l’insurrection s’étend à Paris, notamment dans le quartier du Marais. Le 14 au matin, elle est réprimée dans le sang. Les soldats envahissent un immeuble situé au 12 rue Transnonain (l’actuelle rue Beaubourg) et massacrent tous les habitants qui pourtant n’avaient pas pris part aux émeutes.
De cette bavure policière que Philipon nomme « la boucherie de la rue Transnonain », Daumier tire un chef-d’œuvre de l’estampe, simple constat de la vérité, aussi sobre que dramatique. De caricaturiste, Daumier se hissait au rang de peintre d’histoire en noir et blanc et devançait le courant réaliste en peinture.
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Planche n° 25 de la série des Mœurs conjugales.
« Effet de lunes »
Les soixante planches des Mœurs conjugales, parues dans Le Charivari, de mai 1839 à octobre 1842, annoncent les thèmes abordés dans Les Bons Bourgeois. Les scènes nocturnes intérieures ou extérieures sont autant de prétextes à de magnifiques études de clairs-obscurs. L’éclairage à la bougie de la chambre à coucher, meublée d’une table de nuit ronde et d’un lit bateau - deux composants du mobilier Louis-Philippe récurrents dans les planches consacrées aux intérieurs bourgeois - permet au lithographe de rendre les effets d’une lumière chaude et intimiste tout en insistant sur les ombres portées. Effet de lunes joue sur le rapport entre intérieur et extérieur, autour de la fenêtre ouverte, en faisant se rencontrer la lumière artificielle de la chambre et celle de la lune et des étoiles.
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Planche n° 92 de la série Caricaturana
« Robert Macaire Directeur d’un journal industriel
- Monsieur, je fais le plus grand cas de votre opération, c’est une affaire magnifique. Voulez vous que j’en rende compte dans mon journal La Commandite ?
- Monsieur vous êtes bien honnête, cela me fera plaisir.
- pour 1000 f. je vous ferai un article ronflant.
- mille francs ! !... c’est horriblement cher, j’aime mieux m’en passer.
- Comme vous voudrez, mais dans ce cas tenez-vous bien car je vais discuter votrebrevet, contester votre apport évaluer vos bénéfices... je dois à ma conscience d’éclairer le public sur toutes les affairesdésastreuses et je n’irai pas manquer à ma mission pour vous faire plaisir. »
Si la plupart des lithographies de Daumier ont été diffusées par Aubert en épreuves sur blanc, isolées ou reliées en albums, l’imprimeur-éditeur ajoutait à son catalogue commercial des épreuves coloriées qui en augmentaient encore la vente. Daumier n’avait évidemment rien à voir avec ce coloriage à l’aquarelle rehaussée de gomme arabique. Il était confié à de petites mains chargées de suivre un modèle étalon indiquant la répartition des couleurs. Édouard Bouvenne, peintre obscur, fournit à Aubert, à la fin des années 1830 et dans les années 1840, bon nombre de ces modèles. La comparaison de certains d’entre eux avec des épreuves diffusées montre que les coloristes respectaient globalement les indications, même s’ils se permettaient parfois quelques légères interprétations.
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Planche n° 33 de la série Émotions parisiennes
« Nouveau parapluie, par Brevet d’invention, ressorts perfectionnés souvrant [sic] avec une merveilleuse facilité (Voir aux annonces) »
Le motif du coin de rue parisien, lieu de rencontres hasardeuses et élément structurant d’une composition contrastée, est récurrent dans l’œuvre de Daumier. Il apparaît dans deux planches des Émotions parisiennes, dont les cinquante et un numéros parurent dans Le Charivari, du 2 juin 1839 au 26 novembre 1841.
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Planche n° 22 de la série Histoire ancienne
« Le Baptême d’Achille
Comme on trempe une arme de guerre, Thétis de son moutard voulant faire un héros, Le trempa dans le Styx dès qu’il vit la lumière ; Ce qui prouve qu’un bain est bon à tout propos (De l’influence des bains, Poème par Mr Vigier) »
Après avoir lu Télémaque, L’Iliade et L’Odyssée, selon le témoignage de Jean Gigoux (Causerie sur les artistes de mon temps, p. 54), Daumier entreprend une suite de cinquante lithographies (publiées dans Le Charivari, entre décembre 1841 et janvier 1843), consacrées à l’histoire et à la mythologie antiques. La caricature, alliée à la parodie, lui permet de tourner en dérision tout l’arsenal conventionnel de l’académisme de la peinture néo-classique et de donner ainsi, selon Baudelaire, « la meilleure paraphrase du vers célèbre : "Qui nous délivrera des Grecs et des Romains ? " ».
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Planche n° 15 de la série Les Bas-bleus
« Le parterre de l’Odéon : - L’auteur !... l’auteur !... l’auteur !... »
- Messieurs, votre impatience va être satisfaite. vous désirez connaître l’auteur de l’ouvrage remarquable qui vient d’obtenir un si grand, et je dois le dire, si légitime succès... cet auteur... c’est môa !... »
La série des Bas-bleus, composée de quarante planches publiées dans Le Charivari entre janvier et août 1844, tourne en dérision les femmes auteurs qui délaissent vie de famille et tâches domestiques au profit de leur travail intellectuel et s’imposent dans un milieu exclusivement masculin. Le sujet était dans l’air du temps : des pièces de théâtre et morceaux de musique y faisaient référence et la Physiologie du bas-bleu avait été publiée, en 1844, par Frédéric Soulié.
Qu’elle soit dans la salle de lecture d’une bibliothèque ou au Théâtre de l’Odéon, le bas-bleu se fait remarquer au sein de son entourage masculin. Daumier a recours à l’opposition du noir profond de la robe et du noir strié de grattages blancs des costumes masculins pour insister sur cette manière d’imposer sa présence.
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Planche n° 28 de la série Locataires et propriétaires
« Un locataire qui a eu un oubli le 1er janvier
- Eh ! j’peux p’têtre pas balleyer mes escalliers !... »
La première série des Locataires et propriétaires a paru entre janvier 1847 et juin 1848, et fut suivie de deux autres en 1854, puis en 1856. Le personnage de la concierge, véritable intermédiaire entre le locataire et son propriétaire, y est central, tout comme l’immeuble parisien, que Daumier explore, des caves inondées aux soupentes.
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Planche n° 6 de la série Les Chemins de fer
« Un voyage d’agrément de Paris à Orléans
- Saperlotte quelle trempée !... Il ne m’arrivera plus de prendre un wagon non couvert quand le ciel l’est beaucoup trop !... »
De tous les moyens de transport qui ont intéressé Daumier (omnibus, fiacres, bateaux circulant sur la Seine et même ballons), le chemin de fer est celui qui l’a sans doute le plus frappé, comme il frappa tous ses contemporains, qui l’ont vu naître. La vitesse, la peur de l’accident mais plus encore la promiscuité et l’inconfort de la troisième classe constituent les principaux sujets abordés dans les différentes séries qui lui sont consacrées dès les années 1840, puis sous le Second Empire.
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N’approche pas la mèche de la lumière !... il va peut-être faire explosion !...
La déclinaison de deux épreuves différentes pour une lithographie des Bons Bourgeois, véritable chef-d’œuvre de l’art lithographique, permet, de manière démonstrative et synthétique, d’introduire les étapes de la réalisation d’une lithographie.
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Dernier conseil des ex-ministres
Cette représentation allégorique du retour de la République chez elle (la Deuxième République fut proclamée du balcon de l’Hôtel de Ville par Lamartine le 24 février) a marqué Michelet, qui écrivait à Daumier le 30 mars 1851 : "Je me rappelle une autre esquisse où vous rendiez sensible, même au plus simples, le droit de la République. Elle rentre chez elle ; elle trouve les voleurs à table qui tombent à la renverse. Elle a la force et l’assurance de la maîtresse de maison [...]." Inauguré ici et promis à maints développements dans les planches de la dernière période, le recours à l’allégorie, alliée au contre-jour, qui connaîtra la même fortune, participe à l’élaboration de ce que Michelet considère comme "une formule très forte qui crève tous les yeux".
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Planche n° 429 de la série Actualités
« Ayant enfin trouvé le moyen de passer agréablement l’été de 1857 »
Les effets de vent, pluie, neige et canicule, déjà très présents dans les lithographies de la monarchie de Juillet, se prolongent à travers plusieurs séries saisonnières, parmi lesquelles les Croquis de printemps, d’été, d’automne et d’hiver. Elles permettent à Daumier de confronter, à une périodicité régulière, son crayon lithographique au rendu des aléas météorologiques dont il apprécie autant la dimension cocasse que la richesse des possibilités plastiques qu’il peut en tirer. Les Plaisirs de la villégiature donnent une suite aux Pastorales des années 1840, alors qu’un élément nouveau de la mode féminine, la crinoline, apparaît comme un élément propre à l’époque du Second Empire, dont de nombreux caricaturistes se sont emparés et qui inspira à Daumier plusieurs planches isolées et une série, La Crinolomanie.
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Planche n° 26 de la série La Crinolomanie
« Danger de porter des jupes-ballons à l’époque des coups de vent de l’équinoxe »
Les effets de vent, pluie, neige et canicule, déjà très présents dans les lithographies de la monarchie de Juillet, se prolongent à travers plusieurs séries saisonnières, parmi lesquelles les Croquis de printemps, d’été, d’automne et d’hiver. Elles permettent à Daumier de confronter, à une périodicité régulière, son crayon lithographique au rendu des aléas météorologiques dont il apprécie autant la dimension cocasse que la richesse des possibilités plastiques qu’il peut en tirer. Les Plaisirs de la villégiature donnent une suite aux Pastorales des années 1840, alors qu’un élément nouveau de la mode féminine, la crinoline, apparaît comme un élément propre à l’époque du Second Empire, dont de nombreux caricaturistes se sont emparés et qui inspira à Daumier plusieurs planches isolées et une série, La Crinolomanie.
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Planche n° 219 de la série Actualités.
« La Paix
- Quels drôles de miroirs on fait aujourd’hui ! »
La représentation du miroir, fréquente dans les scènes de mœurs bourgeoises, acquiert ici une autre dimension, dans une allégorie aussi sobre qu’efficace.
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Planche n° 280 de la série Actualités
« Épouvantée de l’héritage »
Au milieu d’un champ jonché de cadavres, l’année 1871, personnifiée par une pleureuse se voilant la face, porte le deuil des événements dramatiques de 1870. Comme neuf autres lithographies de Daumier, elle a été publiée, par les soins du Charivari, dans L’Album du siège, recueil de caricatures de Cham et Daumier publiées pendant le siège dans Le Charivari.
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Planche no 6 de la série Les Bons Bourgeois
« Ménage modèle, - depuis trente ans ils cultivent la vertu et la giroflée !»
Si la plupart des lithographies de Daumier ont été diffusées par Aubert en épreuves sur blanc, isolées ou reliées en albums, l’imprimeur-éditeur ajoutait à son catalogue commercial des épreuves coloriées qui en augmentaient encore la vente. Daumier n’avait évidemment rien à voir avec ce coloriage à l’aquarelle rehaussée de gomme arabique. Il était confié à de petites mains chargées de suivre un modèle étalon indiquant la répartition des couleurs. Édouard Bouvenne, peintre obscur, fournit à Aubert, à la fin des années 1830 et dans les années 1840, bon nombre de ces modèles. La comparaison de certains d’entre eux avec des épreuves diffusées montre que les coloristes respectaient globalement les indications, même s’ils se permettaient parfois quelques légères interprétations.
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Planche n° 30 de la série Tout ce qu’on voudra
« - Ah ! ma chère, quand on a un chien on ne devrait jamais avoir de mari !... pas plus tard qu’hier le mien a encore eu la chose de refuser une aile de poulet à Mimire, il n’a voulu lui donner qu’une cuisse !... »
Deux lithographies pour lesquelles la Bibliothèque nationale de France conserve plusieurs états permettent d’illustrer les cas de modifications de légendes. Il s’agit d’une part de la planche n° 15 de la série des Bohémiens de Paris, sur laquelle ont figuré trois légendes différentes et de la planche n° 30 de la série Tout ce qu’on voudra, dont nous présentons l’épreuve de premier état avant la lettre ainsi que les deuxième et troisième états, qui correspondent à un changement total de légende. Ces cas restent très rares, la plupart du temps les reprises de lettre ne concernant qu’une correction de coquille.
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Planche n° 3 de la série Les Hippophages
« Le cheval est un aliment sain et d’une digestion facile... (Extrait du rapport des Savans.) »
La série de dix planches des Hippophages, parue entre mars et octobre 1856 dans Le Charivari, fait référence à la campagne d’incitation à la consommation de viande de cheval menée par les autorités vétérinaires en 1856, sous la direction d’Émile Decroix, ardent défenseur de l’hippophagie. Un banquet officiel fut organisé en février 1856 pour démontrer les qualités culinaires de la viande de cheval. Cette planche, clin d’œil au Cauchemar de Füssli, qui avait été largement diffusé par l’estampe, est un exemple intéressant, car peu fréquent, de l’irruption de l’irrationnel dans une lithographie de Daumier auquel on peut associer la planche suivante.
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Planche n° 1 de la série Les Divorceuses
« - Citoyennes... on fait courir le bruit que le divorce est sur le point de nous être refusé... constituons-nous ici en permanence et déclarons que la patrie est en danger !... »
Après Les Bas-bleus et Les Femmes socialistes, Les Divorceuses, suite de six planches publiées dans Le Charivari, d’août à octobre 1848, continuent à se moquer de l’engagement public des femmes.
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