« Toujours soigné comme un narcisse »

Bibliothèque nationale de France
Costume de démon
Alors que le ballet de cour s’impose dans la société curiale, la musique et dans une moindre mesure la danse, s’insinuent dans le théâtre baroque pendant la première moitié du 17e siècle, ce qui familiarise le public avec ce mélange des genres. La pastorale dramatique, très en vogue dans les années 1620-1640, comporte fréquemment des insertions musicales, chœurs, intermèdes, spécifiquement composés pour des circonstances particulières, et des chansons empruntant à des airs à la mode.
Le genre de la comédie-ballet inventé par Molière et Beauchamps en 1661 avec la création des Fâcheux est donc né d’une grande familiarité du public, en particulier du public de cour, avec la présence de musique et de danse dans une pièce dramatique, que ce soient le ballet de cour, les tragédies à machines, l’opéra italien avec entrées de ballets. Les pièces purement parlées étaient aussi fréquemment entrecoupées de musique jouée pendant les entractes, sans lien avec l’intrigue et réutilisée selon les besoins.
Bibliothèque nationale de France
L’importance du costume et de la parure
En 1760, Casanova met en gage ses effets chez le marchand Escher à Zurich, sans doute pour se défaire de vêtements qu’on lui a déjà vus et qui pourraient permettre de reconnaître l’agent secret qu’il est et qui doit s’enfuir, le plus discrètement possible, d’Allemagne. Le billet, retrouvé dans les archives de Dux, donne un aperçu du contenu des malles du Vénitien : « un habit bleu doublé d’hermines avec veste de satin blanc brodé et culottes, plus un habit, veste et culottes velour de quatre couleurs, un manchon de guipure, un étui à cure-dent de vernis de martin1 garni en or, deux chemises mousseline garnies à petites manchettes de dentelle, une paire de manchette de dentelle de point d’Engleterre, une bague cachetée sous ses armes, un cachet Ercule, un autre cachet Galba, un autre figurant un biga [bige] Romain, un cachet à deux faces figurant deux têtes, autre cachet boussole d’un côté, tête de l’autre. Un petit soufflet d’or, un berloque [breloque] d’or figurant deux jambes, un berloque figurant trois tours, un flacon cristal de Roche monté en or emmaillé, une boete à bonbon cristal de Roche montée en or, un buis d’or, un couteau à lame d’or et d’acier, un aguillé d’un amatiste entourée de petit carat, un tire-bouchon d’or.2 »

La Toilette
« Cela est dans la nature ; une femme remplie de sentiments croit de ne pouvoir pas faire davantage pour un homme qui lui a fait un bienfait, que de se donner à lui en corps et en âme. Je crois qu’un homme pense différemment ; la raison est que l’homme est fait pour donner, la femme pour recevoir. »
Histoire de ma vie, III, p. 507.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
Les malles occupent dans Histoire de ma vie une place importante : Casanova les fait et les défait sans cesse ; elles le suivent à travers l’Europe car elles contiennent ce qui lui permet de fréquenter les milieux fortunés qu’il aime tant et qui le font vivre : des vêtements et des bijoux qui, portés par cet homme « bâti en Hercule » aux dires du prince Charles-Joseph de Ligne, doivent éblouir et attirer l’attention sur l’aventurier.
Sans un habit approprié, comment entrer dans la société des puissants, où l’élégance masculine est encore synonyme de luxe et de raffinement, comment participer à leurs bals et s’asseoir à leurs tables de jeu, comment les duper, comment les séduire ? Il ne saurait en aucun cas laisser derrière lui ces malles qui renferment un sauf-conduit aussi essentiel : à Cologne, menacé de prison à la suite d’une affaire de jeu et mis aux arrêts dans sa chambre d’auberge, il profite de la complicité de ses amis, les Comédiens-italiens, pour faire sortir jour après jour, cachés sous les jupes des femmes, ses habits et ses chemises ; il s’enfuit lui-même peu après en emportant dans ses poches le contenu de sa cassette (sa « chatouille ») et retrouve ses possessions dans de nouvelles malles chargées sur une nouvelle voiture.

Le Courtisan suivant le dernier édit
Plusieurs édits ou ordonnances de Louis XIII ont tenté d’imposer aux hommes et aux femmes des vêtements plus sobres. Citons l’“Ordonnance du Roy pour reprimer le luxe et superfluité qui se voient dans les habits et ornements d’iceux” du 6 février 1620, la “Declaration du Roy portant reformation des habits et deffenses de porter passements d’or et d’argent et toutes sortes de dentelles de fil et point coupé” publiée le 29 décembre 1629 et l’ordonnance qui défendait aux sujets “de porter sur leur chemise, coulets, manchettes, coiffe et sur autre linge aucune découpure et broderie de fil d’or et d’argent, passements, dentelles, points coupés, manufacturés, tant de dedans que dehors le royaume” du 18 novembre 1633. Sans doute ces prescriptions n’étaient-elles guère respectées puisqu’il fallait les répéter régulièrement. Bosse a illustré ce thème par une suite de trois estampes, dont celle-ci est la première.
Le courtisan en occupe le centre dans une attitude élégante. Du geste il confie à son valet, pour les vendre à la friperie, son haut-de-chausses et son pourpoint brodés. Il ne porte plus qu’un haut-de-chausses tout simple et se permet un peu de fantaisie avec un pourpoint à manches fendues et un chapeau garni de plumes.
Dans la marge inférieure, 12 vers sur 3 colonnes : LE COVRTISAN SVIVANT LE DERNIER EDIT / Bien que sans mentir ie cherisse / D’auoir du clinquant dessus moy ; / Jl faut pourtant que j’obeisse / Aux defences qu’en fait le Roy. // Puisque le luxe m’incommode, / J’aprouue fort ce changement ; / Lacquay sers moy donc à la mode, / Et serre cet habillement. // LE LACQUAY / Sur ma foy cette broderie / Nà desormais plus d’entregent, / Si ce n’est à la friperie, / Où lon en tire de l’argent.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France

Tailleur d’habits et outils
« C’était alors à Paris la grande mode. Aucun homme du bel air n’osait sortir habillé de matin qu’en pantalon. C’était fort joli quand le jeune homme était bien fait ; mais le pantalon devait n’être ni trop long ni trop court, ni trop large ni trop étroit. Je lui dis qu’il devait m’en faire faire exprès trois ou quatre, et j’étais prêt à lui donner l’argent d’avance. Il m’assure que j’en voyais là toutes les mesures, et il m’excite à monter pour aller en essayer priant sa femme d’aller m’aider. » (Histoire de ma vie, II, p. 225.)
Haut de la Planche
Dans cet atelier de tailleur, plusieurs ouvriers sont occupés à coudre et joindre des étoffes (a et b), à prendre des mesures (c), et à couper (d).
Bas de la Planche
Porte - chandelier (fig. 1) : le chandelier (A), les cases propres à contenir les fils, les aiguilles, la cire et tous les autres ustensiles (B), le tiroir (C). Grands ciseaux (fig. 2) : les mords (AA), les anneaux (BB). Ciseaux moyens (fig. 3) : les mords (AA), les anneaux (BB). Petits ciseaux (fig. 4) : les mords (AA), les anneaux (BB). Chandelier (fig. 5) : le pied (A), la bobèche (B).
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
C’est au soin qu’il a d’être toujours tiré à quatre épingles qu’il doit de réussir sa spectaculaire évasion des Plombs. Lors de son arrestation, il est, comme de coutume, vêtu richement : « beau manteau de bout de soie [bourre de soie], joli habit […], et chapeau bordé [brodé] à point d’Espagne avec un plumet blanc ». Quinze mois plus tard, il s’échappe de sa cellule par les toits mais se trouve pris au piège dans le palais des Doges. Il revêt alors son « joli habit », arrange ses cheveux, met son chapeau et se montre à la fenêtre d’où on le prend pour un fêtard qui s’est laissé enfermer par erreur dans le palais : on lui ouvre la porte et le voila fuyant la prison en dévalant l’escalier des Géants, plume blanche au vent.

Le Bal Paré du 16 décembre 1774
« Joie voluptueuse ! Fête enivrante et délicate ! Le peintre qui nous en a laissé cette image délicieuse semble avoir fait tenir dans un coin de papier la danse, l’amour, la jeunesse du temps, ses nobles élégances, la fleur de toutes ses aristocraties, à leur moment de plein épanouissement, à leur heure de triomphe. »
Edmond et Jules de Goncourt, La femme au XVIIIe siècle (Nouvelle édition, revue et augmentée), G. Charpentier (Paris), 1882, p. 47
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
On sent parfois, dans son rapport à son habitus vestimentaire, toute l’outrance d’un parvenu, qui manifeste avec excès son appartenance à une classe sociale dont il n’est pas issu mais par laquelle il souhaite être reconnu. « Il a mis son plumet blanc, son droguet4 de soie doré, sa veste de velours noir, et ses jarretières à boucles de strass sur des bas de soie à rouleau, on a ri. », écrit le prince de Ligne dans son évocation d’un Casanova âgé, qui ne cesse de se plaindre des vexations dont il est victime à Dux.
Le connaisseur
Pourtant, on ne saurait réduire l’importance du costume et de la parure chez Casanova à une nécessité sociale ou économique. Cet homme, qui fait profession de « cultiver les plaisirs de [ses] sens », aime le luxe, les belles choses, le raffinement, et montre au fil du texte à quel point il en a une connaissance intime. Le tissu (il essaiera d’ailleurs à deux reprises de fonder une manufacture de toiles) attire ce sensuel, comme les fourrures, et il y a de la gourmandise dans sa manière de nommer, avec précision, les étoffes : cendal, gros de Tours, pékin, bourre de soie, velours ras, mousseline, basin, taffetas à bordure de Lyon, guipure, dentelles au point d’Alençon, broderies au point d’Espagne… toute la richesse et la poésie du vocabulaire du textile au 18e siècle sont ô combien présentes dans Histoire de ma vie.
Des objet raffinés

Salières en forme d’huîtres
« Les huîtres d’Angleterre ne finirent qu’à la vingtième bouteille de vins de Champagne. Le déjeuner commença que la compagnie était déjà grise. Ce déjeuner qui comme de raison n’était composé que d’entrées fut un dîner des plus fins. On ne but pas une seule goutte d’eau, car le Rhin, et le Tokai n’en soufrent point. Avant de servir le dessert on mit sur la table un énorme plat de truffes en ragoût. On le vida suivant mon conseil d’y boire par-dessus du marasquin.
– C’est comme de l’eau, dirent les dames, et elles en burent comme si ç’avait été de l’eau. Le dessert fut magnifique. Tous les portraits des souverains de l’Europe y étaient, on fit des compliments à l’officier qui était là, qui, touché de vanité dit que tout cela résistait aux poches, et pour lors on empocha. Le général alors dit une grande bêtise qu’on siffla par une risée générale.
– Je suis sûr, dit-il, que c’est un tour que l’Electeur nous a joué : S. A. a voulu garder l’incognito, et M. Casanova a très bien servi le prince. Après la grande risée, qui m’a donné le temps de penser.
– Si l’Electeur, mon général, lui dis-je d’un air modeste, m’avait donné un pareil ordre, je l’aurais obéi ; mais il m’aurait humilié. S. A. voulut me faire une grâce beaucoup plus grande : et la voilà. En disant cela j’ai mis entre ses mains la tabatière, qui fit deux, ou trois fois le tour de la table. On se leva, et on fut étonné d’avoir passé à table trois heures. »
Histoire de ma vie, II, p. 261.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
Présidant au sort des malles de Casanova et à sa toilette, on trouve, à partir du second séjour à Paris, en 1759, un valet, Le Duc, « Espagnol de dix-huit ans, fort intelligent ». C’est à lui que revient la tache de confier chaque soir – souvent à la fille ou la femme, fort séduisante, de l’aubergiste – les chemises et les dentelles de son maître, que Casanova retrouve le lendemain matin blanchies et repassées, en même temps qu’on lui apporte son chocolat.
Des coiffures

Vengeance de la volaille déplumée contre la coiffure emplumée de Melle Des Soupirs
« Les filles françaises qui se sont sacrifiées à Vénus, ayant de l’esprit et quelque éducation, sont toutes dans l’esprit de la Valville ; elles n’ont ni passion ni tempérament, et par conséquent elles n’aiment pas. Elles sont complaisantes, et leur projet est un seul et toujours le même. Maîtresses de dénouer, elles nouent avec la même facilité, et toujours riant. Cela ne vient pas d’étourderie, mais d’un vrai système. S’il n’est pas le meilleur, c’est au moins le plus commode. »
Histoire de ma vie, III, p. 435-436.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France

Décoration et dessein du jeu tenu par le roy et la reine dans la grande galerie de Versailles
Casanova est loin d’être seul à être un joueur invétéré. En 1747, l’épisode du célèbre jeu de la reine raconté par Longchamp montre la totale dépendance au jeu de Madame Du Châtelet. Elle avait rassemblé tout l’argent qu’elle pouvait mais, « ... cet argent ne fît que paraître et disparaître. Piquée d’un malheur si constant, elle crut le faire cesser à la fin, et, s’obstinant à vouloir réparer ses pertes, elle continua de plus belle, cava au plus fort sur sa parole, et perdit quatre-vingt-quatre mille francs avec une intrépidité inconcevable. Après le jeu, Monsieur de Voltaire, qui était à côté d’elle, effrayé d’une perte si considérable, lui dit en anglais que les distractions qu’elle avait au jeu l’empêchaient de voir qu’elle jouait avec des fripons. »
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
Des odeurs
Dans la préface des mémoires, il reconnaît aimer les « mets au haut goût » et la transpiration des femmes mais, lui-même semble porter une attention particulière à ne pas dégager d’odeurs corporelles trop fortes. À Venise, il recommande à son tailleur de « doubler d’amadou [son] habit de taffetas sous les aisselles, et de le couvrir avec de la toile cirée pour empêcher la tache de sueur qui principalement dans l’été gâte dans cet endroit-là tous les habits ».

L’odorat
Jeune dame debout, à mi-corps, prenant une prise dans sa tabatière, qu’elle tient de la main.
En marge, quatre vers :
“Ces cheveux bien poudrez, ces airs de tabatières,
Pour la jeune Cloris inspirent de l’ardeur,
Mais celle qui sent bon aveque ces manières
N'est pas toujours en bonne odeur.”
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
Du fard

Les enfarinés / Les mouches
On lit dans la marge deux vers décrivant chaque personnage des “Enfarinez” : “1. Le Meusnier, 2. Le Galand, 3. La Coquette, 4. Le Courtisan, 5. L'Enfariné, 6. Godelet et J. Far., 7. La Vieille, 8. L'Enfariné happé”; et 2 vers (4 pour le 7e personnage) décrivant chaque personnage des “Movsches” : “1. L'Ajusteuse, 2. La Donzelle, 3. L'Emoucheur, 4. La D.le mouchetée, 5. Le Mar.d de mouches, 6. La Suiuante, 7. Marinette”
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
Et ce qui lui paraît ridicule chez les hommes ne l’attire pas davantage chez les femmes : « Le seul nom de perruque m’assomme », confie-t-il à M. M. et il est sans indulgence pour le visage fardé de la Cavamacchie, une courtisane vénitienne qu’il retrouve à Paris : « Outre cela elle mettait du blanc, artifice que les Français ne savent pas pardonner ; et ils ont raison car le blanc dérobe la nature ». Et si les joues, ornées de rouge, de M. M. lui plaisent « à l’excès », c’est qu’il y voit un raffinement français, évocation de l’ivresse et promesse de plaisir, propre à enchanter un jeune Vénitien fasciné par la cour de Versailles.
De l'élégance

Le Bichon poudré
Texte sous l’image :
« Homme en perruque brune ou blonde,
Pense de charmer tout le monde
Mais de ces vains cheveux l’amas prodigieux
Le nez noir de tabac et poudré jusqu’aux yeux
Si for le masque et de figure
Qu'on ne connoit plus la nature
Dans sa crinière blanche enfle comme un manchon
Il ne semble plus qu’un bichon. »
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France

La Galerie du Palais
La galerie du Palais de justice était au 17e siècle une sorte de grand magasin à la mode où, comme on le voit sur cette estampe, la lingère côtoyait le libraire et le mercier l’orfèvre. Bosse montre ici trois boutiques, qui ne sont évidemment pas choisies au hasard. La librairie, à gauche, dont l’étal est drapé de fleurs de lis, est apparemment bien fournie en ouvrages de toute sorte. Inscrits sur le revers des volets de la boutique voisinent avec la Sainte Bible les noms de Cicéron, de Sénèque, de Plutarque, de Machiavel, de Boccace, de Vésale, de Rabelais, et même de Godeau (qu’on n’attendait pas) ; figurent encore les Tableaux de Philostrate, le roman d’Alexandre, Le Moyen de parvenir (de Béroalde de Verville), l’Aminte (du Tasse), l’Astrée d’Honoré d’Urfé, Les Amours de Clytophon et de Leucippe (d’Achilles Tatius, nouvellement traduit en français en 1635 par Jean Baudouin), et l’Ariane de Desmarets de Saint-Sorlin (publiée dès 1632 mais rééditée avec des illustrations de Bosse en 1639). Outre les romans, la librairie est riche de traités historiques, comme on peut le déduire des mots gravés sur la tranche d’une des étagères : “Histoire d’Espagne”, “Guichardin” (pour Francesco Guicciardini, auteur d’une Histoire d’Italie), “Pays-Bas, Histoire de France”. Abraham Bosse ne s’oublie pas, et fait discrètement allusion à son travail. Ainsi le client des libraires se voit-il recommander La Mariane de Tristan l’Hermite. La première édition de cette tragédie, parue chez Augustin Courbé en 1637 avec un frontispice gravé par Bosse, situe l’estampe de La Galerie du Palais à cette date au plus tôt, encore que la facture du graveur soit plus proche de ses débuts que de sa maturité.
La deuxième boutique présente des gants et autres accessoires de mode, tels que des bonnets, des manchons, des loups et des éventails ; un commis attrape sur une étagère une boîte sur laquelle sont inscrits les mots : Euentails de Bosse. Bosse avait publié trois éventails en 1637 et 1638.
La dernière boutique, à droite, présente des collerettes et des manchettes de dentelle.
Le titre est gravé dans un petit encart au milieu de la bordure supérieure : LA GALERIE DV PALAIS. Dans l’espace réservé sous l’image, 16 vers sur 4 colonnes : Tout ce que l’Art humain a jamais inuenté / Pour mieux charmer les sens par la galanterie, / Et tout ce qu’ont d’appas la Grace et la beauté, / Se descouure à nos yeux dans cette Gallerie. // Jcy les Caualiers les plus aduantureux / En lisant les Romans, s’animent à combatre ; / Et de leur passion les Amans langoureux, / Flattent les mouuemens par des vers de Theatre. // Jcy faisant semblant d’acheter deuant tous / Des gands, des Euantails, du ruban, des danteles ; / Les adroits Courtisans se donnent rendez-vous, / Et pour se faire aimer, galantisent les Belles. // Jcy quelque Lingere à faute de succez / A vendre abondamment, de colere se picque / Contre des Chiccaneurs qui parlant de procez / Empeschent les Chalands d’aborder sa Boutique. Au-dessous, à gauche : ABosse jn. et fe., et à droite : le Blond le jeune excud Auec Priuilege du Roy.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
« Un habit de velours ras couleur de rose, brodé sur les bords en paillettes d’or, une veste à l’avenant brodée au métier, dont on ne pouvait rien voir de plus riche, des culottes de satin noir, des dentelles de point à l’aiguille, des boucles de brillants, un solitaire de grand prix à son petit doigt, et à l’autre main une bague qui ne montrait qu’une surface de taffetas blanc couvert d’un cristal convexe. Sa baüte de blonde noire était tant à l’égard de la finesse que du dessin tout ce qu’on pouvait voir de plus beau […]. Je visite ses poches, et j’y trouve tabatière, bonbonnière, flacon, étui à cure-dent, lorgnette et mouchoirs qui exhalaient des odeurs qui embaumaient l’air. Je considère avec attention la richesse, et le travail de ses deux montres, et ses beaux cachets en pendeloques attachés aux chaînons couverts de petits carats. Je visite ses poches de coté, et je trouve des pistolets à briquet plat à ressort, ouvrage anglais des plus finis.6 »

Jean Lepautre d’après Jean Berain, Boutique de galanterie, 1678
Cette estampe illustrait un article sur la mode publié par Donneau de Vizé dans l’Extraordinaire du Mercure galant, un supplément de la revue mensuelle, dont le numéro de janvier était consacré aux femmes. Le directeur affirme audacieusement que sa publication n’est pas seulement un cadeau fait aux femmes mais que le contenu provient d’elles : « Aux Dames. Ce n’est point vous faire un présent, Mesdames, que de vous donner l’Extraordinaire, c’est vous rendre un ouvrage qui vient de vous. » La littérature amoureuse et la mode sont les deux principaux thèmes de cette livraison. Cinq figures, trois hommes et deux femmes, apparaissent dans des planches de petit format montrant la dernière mode d’hiver et de printemps. Le dessin préparatoire pour la grande estampe non signée qui représente une vue fascinante d’une boutique imaginaire avait été commandé par le directeur de la revue à Jean Berain, « designateur ordinaire du Cabinet du Roy », et gravé à l’eau-forte par Jean Lepautre. La planche entend montrer « tout ce qui se porte pour estre bien habillé » : tissus, dentelles, chapeaux, bas et rubans à la dernière mode, pour jeunes gens et femmes soucieux d’élégance. L’homme présente à la femme plusieurs nouveautés, tandis qu’elle pose la main sur son sac. Le texte d’accompagnement explique en détail les dernières toilettes pour les deux sexes et liste les articles visibles dans l’estampe, qui sont tous identifiés par un chiffre (17 pour les hommes et 13 pour les femmes). Les étoffes nouvelles sont énumérées et désignées par les lettres « A » sur à « M ». On apprend ce qui a changé « depuis quelques jours », comme pour le numéro 10, « Centurons, ou Portes d’épées », ou simplement ce qu’« on porte présentement », comme au numéro 14, « Perruques fort dégagées ». Le texte se présente comme un témoignage direct. L’auteur de l’article souligne le rôle de la cour et de la famille royale dans la naissance de nouvelles modes (« N° 16. Le roi porte actuellement des bottes de cuir brun pour la chasse ») ; ces nouveaux styles se diffusaient ensuite rapidement à Paris. Pour que les lecteurs puissent eux-mêmes se vêtir selon cette mode, l’auteur fournit les noms des meilleurs fabricants de manteaux et de vêtements et des meilleures boutiques pour acheter tissus, rubans et perruques.
L’estampe dut être pliée plusieurs fois pour tenir dans l’in-octavo du Mercure galant. Pour autant qu’on le sache, la planche ne fut pas publiée à part à l’époque. Elle fait partie d’un grand ensemble de planches de cuivre qui entra en possession de Jean Berain, d’après ce qu’on peut déduire de son histoire ultérieure. Peu après la mort de Berain, son beau-fils, I’horloger royal Jacques Thuret, parvint à un accord avec les héritiers de l’artiste. Thuret republia toutes les planches encore existantes dans l’œuvre complet de l’artiste, en ajoutant son nom à toutes les planches de titre. Leur nombre était sans doute très élevé ; Jean Mariette s’en servit en effet pour remplir deux in-folios consacrés à Berain, en réponse à une commande de la cour portugaise. Dans une lettre de 1724, Mariette s’excusait de ne pas avoir pu obtenir d’épreuves de meilleure qualité, issues du premier tirage, tant elles étaient rares sur le marché. Cette remarque suggère que ceux qui possédaient de telles épreuves ne s’en défaisaient pas et que les compositions de Berain continuaient de susciter de l’intérêt.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
Et les murs en miroirs du casin vénitien, éclairé de mille bougies, renvoient à l’infini ce portrait d’homme/femme, que Casanova, assis sur un tabouret, ne peut se lasser d’observer avec attention et d’admirer. Admiration pour la femme qu’il désire, certes, mais aussi regard amoureux sur un autre lui-même.
Notes
- Vernis martin : sorte de vernis, mis au point au 18e siècle et très utilisé dans la fabrication de meubles ou de petits objets, qui permet d’imiter les laques de Chine ou du Japon.
- Casanova, Histoire de ma vie, t. II, p. 291, note 1. Paris : Robert Laffont, “Bouquins”, 2006.
- Casanova, Histoire de ma vie, t. I, p. 570. Paris : Robert Laffont, “Bouquins”, 2006.
- Droguet de soie : sorte de tissu à base de soie, orné de petits motifs brochés, souvent floraux.
- Objets de vertu : petits objets décoratifs et de facture très raffinée, tels que tabatières, boîtes, flacons…
- Casanova, Histoire de ma vie, t. I, p. 494-497. Paris : Robert Laffont, “Bouquins”, 2006.
Provenance
Cet article a été publié à l’occasion de l’exposition « Casanova. La passion de la liberté » présentée à la Bibliothèque nationale de France en 2011.
Lien permanent
ark:/12148/mm66m91vq56gq