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Bibliothèque nationale de France
Record du monde d’épaulé-jeté (154 kg)
Il est arrivé que les autruches soient attelées au début du 20e siècle. Il existait même des courses, notamment en Allemagne ou en Californie. Selon le Petit Journal du 5 juin 1930, « L'autruche est un échassier qui, convenablement stylé, peut atteindre à la course une très grande vitesse. Dans la colonie anglaise du Cap, en Californie, où l'on élève ces animaux, on attelle couramment l'autruche à de petites voitures légères et elle remplace le cheval. »
Bibliothèque nationale de France
Dès la fin du 19e siècle, les publications exclusivement sportives se multiplient. Il ne s’agit plus seulement de présenter les matchs et les meetings en quatrième page, mais désormais de rendre compte en images du formidable succès des disciplines sportives établies, autant que de faire une place aux disciplines nouvelles ; de ne rien laisser échapper de la profusion des rencontres officielles et amatrices ; d’accompagner la diffusion rapide de pratiques multiples, élargies à toutes les sphères de la société et de témoigner des évolutions physiques et des innovations mécaniques. Parallèlement, les progrès de la photographie facilitent la production d’instantanés sportifs où le mouvement n’a jamais été aussi bien saisi. L’effort et la puissance, l’adresse et la vitesse sont mis en lumière de façon inédite. Le métier de photoreporter voit le jour, et les agences de presse donnent une visibilité sans précédent au spectacle sportif.
Le sport n’était encore, au début du 19e siècle, qu’un phénomène mineur, réservé à l’aristocratie. Vers la fin du siècle, sa pratique se développe autour de la gymnastique, puis s’organise et se démocratise à mesure que les bénéfices de l’éducation physique sont connus et que la place réservée aux loisirs, dans le cours de la vie quotidienne, augmente. Les premières compétitions sportives ont lieu, d’abord portées par l’engouement vélocipédique, bientôt déclinées en match de football et de rugby ou en courses automobiles. Des clubs sportifs sont fondés dans les lycées et au sein des grandes firmes ; les revues dédiées exclusivement aux activités sportives, comme Le Sport illustré ou La Vie au Grand air, se multiplient, et en 1894 Pierre de Coubertin remet l’idéal olympique au goût du jour.

Le pushball à cheval
Le pushball à cheval est un sport pratiqué dans la première moitié du 20e siècle. Cette image contient une légende de l'image rédigée par La Vie au grand air, recontextuaisant cette activité sportive : « C'est le polo joué par des cavaliers montant sans étriers, où le cheval fait l'office du maillet, poussant avec la tête, avec le poitrail ou par des ruades un ballon immense, du modèle des ballons de football assocations, mesurant 1 m. 80 de diamètre, pesant 22 kil. 500 et coûtant près de 700 francs ! C'est plutôt un numéro de cirque qu'un sport de plein air. ».
Bibliothèque nationale de France
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Le sport, à la Belle Époque, devient donc un spectacle incontournable, et comme tout spectacle, il n’a jamais autant de succès que quand il tient ses promesses de sensationnalisme, et son public en haleine. Dans l’extraordinaire profusion d’images produites, deux axes iconographiques se font jour. L’un tient à la volonté de témoigner du geste sportif dans son académisme et sa meilleure acception esthétique et sanitaire, à des fins souvent didactiques, et met en avant la position des corps, et l’action des muscles. L’autre rend compte d’une réalité plus aléatoire où les péripéties prises sur le vif entretiennent le suspense pour un spectateur avide de rebondissements et d’émotions, qui désire autant voir son champion monter sur le podium que le regarder chuter de son piédestal.
Dans la droite ligne des travaux de Muybridge sur la décomposition du mouvement, puis des reportages de Jules Beau, les photographies sportives posées présentent l’athlète figé dans son mouvement. Elles ont vocation à exposer étape par étape le geste parfait aux yeux d’un public désireux de le comprendre, voire de le reproduire. Bien qu’académiques, elles ne sont pas exemptes de ressort comique, quand une pose manifestement exagérée contrarie l’intention solennelle, a fortiori parce qu’il existe désormais un véritable décalage entre ce qu’il est techniquement possible de saisir de mouvement et de vitesse à l’heure de la photographie instantanée, et l’héritage photographique encore récent de la mise en scène et du studio.

Le tandem électrique
Ce tandem électrique anglais de la fin du 19e siècle a été présenté au Stanley Show en novembre 1897 et utilisé lors du Bol d'Or à Paris en 1899. En dépit de son potentiel novateur, le tandem électrique n'a pas rencontré de franc succès auprès du grand public. Probablement lourd et encombrant, il était malgré tout doté d'un moteur de 750 watts le projettant à plus de 64 km/h !
Bibliothèque nationale de France
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C’est précisément cette instantanéité qui permet aussi de rentrer dans l’intimité du sportif – une intimité parfois sublime et parfois tragique, et régulièrement facétieuse. Prise dans le vif de l’action, capturant un moment précis de l’effort et de la compétition, la photographie dévoile l’aspect potentiellement drôle d’une grimace sous l’effort ou d’une position peu gracieuse, l’imminence d’une chute ou le désarroi d’une défaite. Mais il faut faire la part de l’anachronisme, et telle photographie d’un lever de perche, discipline disparue qui pourrait paraître cocasse à des yeux modernes, fut spectaculaire dans les années 1910 pour l’incroyable effort qui s’imprime sur le corps de l’athlète. Toutes époques confondues, cependant, le spectateur aime l’inattendu, et le frisson qu’il procure. Bien plus amusants en image qu’en direct, la chute ou l’accident font partie du spectacle – un spectacle qui culmine avec l’apparition de sports hybrides et de pratiques insolites.

L'auto-polo
L'auto-polo était pratiqué au début du 20e siècle. Le Courrier de Saône-et-Loire a écrit un article à ce sujet le 7 juin 1913 que l'on retrouve également dans L’Événement du 27 juin 1913 :
« De nombreux sportsmen attendent avec impatience l'introduction, chez nous, d'un sport nouveau : l'auto-polo. Au lieu d'être montés sur des poneys, les joueurs sont en automobile, et armés de longs maillets, se précipitent les uns contre les autres...
Hélas ! Ce n'est point si terrible qu'on pourrait le croire. À Londres, où avait lieu avant-hier la première séance d'auto-polo, le public éprouva une lourde décéption. Pas la moindre mort ! Imaginez-vous que les voitures de polo, souples, légères, très basses, sont protégées par des cercles de fer qui rendent tout accident matériellement impossible. Les joueurs, encagés littéralement dans leur automobile, sont à l'abri de toute mésaventure.
Et nos confrères d'Angleterre consacrent quelques lignes méprisantes à ce "flirt inoffensif avec la mort" ! Quel dommage, en vérité, que ce jeu ne soit pas dangereux... »
Tous semblent s'accorder sur une déception commune : que ce premier match n'ait pas causé plus de dégâts. L’Éclair du 4 juin 1913 déplore même l'unique frisson de cette rencontre comme particulièrement ennuyeux :
« Une des autos s'est retournée, les deux joueurs étant en dessous, et le pétrole s'est enflammé. Voilà qui commençait bien : mais figurez-vous que ces filous d'americains ont construit pour le polo des voitures très souples, très légères, très basses et protégées en dessus par des cercles de fer analogues aux cerceaux qu'on met sur les chars à bancs pour y fixer une bâche. De sorte que, quand les autos se renversent, elles tournent sur les cercles qui protègent ceux qui sont montés dans la voiture et les empêchent d'être écrasés. »
Bibliothèque nationale de France
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Durant les années folles la photographie accompagne plus que jamais le développement du phénomène sportif et en couvre toutes les composantes, depuis les disciplines déjà anciennes jusqu’aux épiphénomènes à la lisière du sport et du cirque, à mi-chemin entre le concours de foire et la compétition sportive, jeux de cerceaux, de plage, lancers d’objets de toutes sortes, plongeons à deux ou à ombrelle… Il faut distinguer les sports autrefois en vigueur, qui, pour ne plus être en vogue ou avoir complètement disparu, nous paraîtraient aujourd’hui fantaisistes, comme le tir à la corde qui fut jusqu’en 1920 discipline olympique – des pratiques insolites, déjà loufoques et volontairement décalées en leur temps. Les contours des disciplines sportives s’estompent donc et donnent naissance à de nouvelles pratiques qui s’établissent parfois durablement dans le paysage sportif ou bien périclitent rapidement sans postérité. L’enjeu de ce renouvellement n’est pas simplement lié à la recherche de la nouveauté, du spectaculaire ou du divertissement, mais aussi, à l’issue du conflit mondial, à une remise en cause des disciplines et des règles – sportives comme sociales.
Des sports fantaisistes

Jeux de plage
Une utilisation originale de la roue pour constituer une course de « brouettes humaines » sur la plage.
Bibliothèque nationale de France
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Sur les plages, dans les rues, sur les circuits comme dans les salles de spectacle, dans les stades ou dans les cirques : on croise, on invente, on essaie, on remplace. Le dialogue entre les sports et les loisirs, permanent dans l’entre-deux guerres, culmine avec les traditionnelles fêtes comiques et sportives des artistes lyriques au vélodrome Buffalo, dites « fêtes des Caf’ Conc’ », où se succèdent dans un joyeux mélange des épreuves plus loufoques les unes que les autres : course des sans-gêne, course entravée, course des cent kilos, course de chameaux, course à la marmite ou du bol d’eau, course à quatre pattes...
Au contact du cirque et de l’acrobatie, certaines disciplines sportives gagnent en cocasserie ce qu’elles perdent en athlétisme : à la quête de vitesse on oppose des courses de voiture au ralenti ou en escaliers ; face au culte naissant de l’athlète accompli et musculeux on présente des compétitions pour les amateurs corpulents, pour les garçons de café à Montmartre, pour les midinettes, pour les ancêtres, pour les clowns ; et parfois, au lieu de rechercher le progrès technologique et sportif, on distille d’amusantes difficultés qui transforment les épreuves en un gymkhana des plus étranges. On jumelle le vélo et le plongeon, on marie le football et la motocyclette, on pratique le tennis en patins à glace. Les grandes compétitions cyclistes se tenaient jusque-là sur route ou sur piste ? Qu’à cela ne tienne, organisons des events de plongeon à vélo, des démonstrations de vélo nautique, des matchs de vélo-polo ! Les haltérophiles soulèvent des poids, tout aussi bien que des pierres, ou des hommes à l’épaulé-jeté ! Tout est bon pour trouver du nouveau, du sensationnel. Et de cette profusion de tentatives et de métissages ressort, ici et là, l’apparition précoce d’un sport qui a depuis acquis ses lettres de noblesse, ou d’une invention technique que l’on aurait cru bien plus récente – à l’image de ces bicyclettes électriques sur le paquebot Homeric en 1922 ou ce vélo torpille de 1913, préfiguration fuselée de l’aérodynamisme moderne.

Desmarcheliers dans le lever de pierre
Au début du 20e siècle, on cherche à épater la galerie. De nombreuses pratiques sportives voient le jour, donnant lieu à d'étonnantes images telles que cet athlète brandissant une roche lors de son « lever de pierre » à l'occasion de la 34e fête fédérale des Sociétés de gymnastique de France.
Article paru dans La Culture physique du 1er juillet 1908
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Peyrusson effectuant un saut de la mort à vélo
Quelques années après son saut de la mort en tandem avec Mme Garnier, Peyrusson s'élance dans le vide sur un vélo à l'occasion du concours de plongeon dans la Seine sur l'île aux Cygnes.
Dans le Paris-Soir du 8 avril 1929, Mme Garnier se confie sur le contexte du plongeon :
« Oh ! Je me rappelle un incident drôle, qui arriva à l'occasion d'une fête à l'Île des Cygnes. En montant le tandem sur la plateforme de la grue, le pédalier fut cassé par suite d'un choc. Peyrusson et moi étions très ennuyés car le public mécontent réclamait son attraction. Je me décidais alors à faire le saut de la mort, en vélo, mais il n'y avait pas de vélo. On alla emprunter celui du concierge de Vel' d'Hiv', tout proche. C'était un beau vélo de tourisme avec une roue libre, freins, garde-boue, lanterne, etc... Je plongeais et Peyrusson après moi. Le public fut satisfait ; dans notre joie, nous laissâmes le vélo au fond de l'eau. On n'alla le chercher qu'à 11 heures du soir. »
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Qu’on ne s’y trompe pas : à chaque époque son lot de sports insolites, et ceux d’hier ne sont rien moins que les avatars des innombrables et saugrenues inventions qui n’ont cessé d’essaimer aux 20e et au 21e siècle, depuis le quidditch d’Harry Potter jusqu’au chess-boxing hérité d’Enki Bilal, en passant par le bubble-soccer, le cheese-rolling ou la course de chaise de bureau…
Provenance
Cet article est inspiré de Sport. L’important, c’est de participer ! (BnF Éditions, collection « L'Œil curieux », 2024).
Lien permanent
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